Spécial PME : se renforcer sur le made in France

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Spécial PME : se renforcer sur le made in France

Le contexte

  • Les crises ont montré la fragilité du tissu industriel et le besoin de relancer le made in France.
  • Encouragée par les pouvoirs publics, la relocalisation reste cependant complexe et risquée.

Les solutions

  • Pour recréer des filières, de nombreux entrepreneurs misent sur le collectif, incluant les fabricants, les fournisseurs, les agriculteurs et d’autres partenaires.
  • Transposer une industrie étrangère en France ne fonctionne pas : il faut innover dans les produits et les process.
  • Le prix doit rester acceptable pour le consommateur en jouant, notamment, sur les volumes et la productivité.

Relancer en France la fabrication de jeans, de peluches, d’accessoires pour téléphone mobile ou de couches ? Avant la crise de Covid-19, révélatrice de la fragilité du tissu industriel français, ces idées paraissaient souvent farfelues. « Lorsqu’il y a cinq ans, nous sommes allés voir les banques pour trouver des financements afin de construire notre propre usine de changes bébés, on nous a ri au nez. Il est vrai qu’à l’époque, le budget – 14 millions d’euros – était équivalent à notre chiffre d’affaires… Depuis Naturopera a grandi gentiment et notre usine, flambant neuve, ouvrira mi-octobre », se souviennent ainsi Geoffroy Blondel de Joigny et Kilian O’Neill, cofondateurs de Naturopera.

Discours des politiciens

Comme eux, d’autres précurseurs du made in France n’ont pas attendu la crise actuelle pour tenter de le revivifier. « Aujourd’hui, on entend les politiciens parler de fin de l’abondance, de rareté, de transition alimentaire… C’est bien qu’ils en parlent maintenant mais nous, les “zinzins du sarrasin”, cela fait dix ans que nous maîtrisons ces concepts », expose Nicolas Crabot, cofondateur d’Atelier Sarrasin qui, grâce à cette plante, fabrique farines, biscuits, pavés végétaux et kashas (sarrasin décortiqué et grillé). « Nous voulons proposer des produits innovants à base de sarrasin pour moderniser la galette classique… réalisée à 80 % en France avec du sarrasin venant d’Europe de l’Est ou de Chine. Mais rien n’est facile car il faut réinventer l’ensemble du modèle », poursuit cet ancien consultant en développement durable, qui a monté une association tripartite, incluant une quarantaine d’agriculteurs bourguignons et un moulin, pour recréer la filière.

 

« Pour celui qui veut relocaliser, le chemin est parsemé d’embûches », confirme Alain Joly, président-fondateur du groupe Doudou et Compagnie qui a repris, fin 2019, Maïlou Tradition, le dernier atelier français de confection de peluches. « Pour le moment, nous mangeons beaucoup de pain noir entre les investissements de plus de 3 millions d’euros sur nos fonds propres, mais aussi l’investissement en temps, en formation et l’envolée des coûts. Mais nous serons l’an prochain à l’équilibre, au moins en matière de productivité, et, nous l’espérons, en termes financiers », ajoute-t-il. L’an dernier, son groupe a racheté la coque d’un magasin Gamm vert à La Guerche-de-Bretagne (35) pour y déménager l’atelier et installer de nouvelles machines ainsi qu’une école de formation pour apprendre à ses nouvelles recrues le métier de la peluche, un savoir-faire qui n’est plus enseigné de nos jours. « Or créer une peluche nécessite une dizaine d’opérations manuelles longues et minutieuses : une fois la peluche retournée, il faut compter entre quinze à vingt minutes de travail pour réaliser les finitions… à 60 centimes d’euro la minute en coût de main-d’œuvre en France », rappelle Alain Joly, qui planche à la conception de machines inédites permettant d’automatiser certaines tâches. « Même en Chine, ces machines n’existent pas. Il nous faut les inventer », conclut le patron qui, pour pérenniser son modèle, doit accroître la productivité et les volumes de son usine qui comptera, en mars prochain, une quarantaine de salariés contre 17 aujourd’hui.

Pas seulement pour le luxe

Volumes et innovation, tel est aussi le credo de Stéphane Bohbot, fondateur du spécialiste des accessoires pour mobiles et produits connectés Innov8 qui a, dès 2019, décidé de développer, via des partenaires, la fabrication de coques de protection pour mobiles en France. Lancées en 2020, ses coques transparentes Muvit For France, labellisées Origine France Garantie, 100 % recyclables et vendues à 19,90 €, ont atteint en juillet le million d’exemplaires écoulés dans l’Hexagone. Forte de ce succès, l’ETI lyonnaise (300 millions d’euros de CA pour 200 salariés) lancera début 2023 le premier chargeur universel made in France, réparable et recyclable et fabriqué dans une matière biosourcée ­exclusive, sans plastique. Et toujours à un prix similaire aux produits d’importation. « Mon combat est de montrer que la relocalisation n’est pas réservée aux articles de luxe. Je veux casser l’a priori voulant qu’un produit de grande consommation à prix accessible doit forcément être fabriqué en Asie. Mais pour cela, agiter le drapeau français ne suffit pas : pour être compétitif, il faut relocaliser en innovant, au niveau des produits comme des process », explique-t-il.

Le patron d’Innov8 en appelle aussi aux distributeurs : « Nous avons besoin du soutien des donneurs d’ordres. L’enjeu du made in France ne doit pas être porté par les seuls fournisseurs et fabricants. Une nouvelle coopération doit être mise en place avec les distributeurs qui ont un rôle important à jouer pour donner de la visibilité sur les engagements en termes de prix et de volumes. Il faut que tout le monde s’entraide, en évitant les travers de la mondialisation et de la concurrence à outrance où chacun joue sa partie au détriment du territoire local. Nous devons tous aller dans le même sens. »

Prise de conscience générale

Aller tous dans le même sens, c’est ce qu’a mis en place 1083 avec ses partenaires, tisseurs et fabricants. « Dès le départ, nous avons fabriqué nos jeans en propre mais aussi chez des partenaires. Répartir la production nous apporte une agilité collective et contribue à recréer une filière robuste », assure Thomas Huriez, fondateur de 1083, qui a ainsi relancé une « perma-­industrie » du jeans et du denim. « Il y a trois ans, cette stratégie pouvait être naïve ou un peu ”Bisounours”. Le Covid-19, les conséquences du conflit ukrainien, la crise de l’énergie et l’urgence du réchauffement climatique ont créé une prise de conscience générale et une prise de confiance pour nous . Nos idées ont aujourd’hui plus d’écho… mais il est dommage que cela arrive au moment où la consommation se rétracte », reprend-il. Le patron en appelle aux consommateurs : « Sur 88 millions de jeans ­vendus en France, seulement 0,1 % y sont fabriqués, dont la moitié (50 000 jeans) sont des 1083, représentant 250 emplois directs et indirects. Nous ne pouvons pas les vendre à 30 € comme certaines grandes chaînes mais si les consommateurs qui, déjà, achètent des jeans de marques étrangères à 100-150 € choisissaient des produits made in France, leurs achats créeraient des emplois et renforceraient la filière. »

Le prix a aussi été un souci pour Benjamin Cohen, cofondateur de Y-Brush, une brosse à dents innovante capable, grâce à ses 35 000 filaments en nylon et ses vibrations soniques, de nettoyer toute la bouche en dix secondes. « Dès le début, nous l’avons pensée comme un produit à grande échelle. Après la vente en ligne, nous avons lancé la distribution en magasins l’an dernier, lors du Black Friday, avec un produit d’entrée de gamme à 79 € », expose Benjamin Cohen, qui table pour cette année sur 180 000 brosses vendues, dont un tiers à l’export, notamment aux États-Unis. « Chaque année depuis quatre ans, nous allons au salon CES de Las Vegas : si nos prix pouvaient au début sembler élevés en France, ils paraissaient tout à fait corrects pour le marché américain », confie-t-il.

D’autant que le savoir-faire tricolore est toujours prisé à l’étranger et pas uniquement pour les produits de luxe. « Nous réalisons 35 % du chiffre d’affaires de Doudou et Compagnie hors de l’Hexagone. La French Touch et la créativité française sont reconnues à l’étranger et plaisent toujours », abonde Alain Joly. Un autre argument encore en faveur de la relocalisation… 

1083

« Lorsque nous avons démarré, en 2013, plus personne ne fabriquait de jeans ni de denim en France », se souvient Thomas Huriez, fondateur de 1083, à Romans-sur-Isère (26). Pour relancer cette filière, l’entrepreneur a joué en équipe : « Nous avons confié une partie de notre production à des partenaires, créant ainsi une “perma-industrie” pour un écosystème robuste. » Étendant son activité en 2018 avec le rachat de Tissage de France, 1083 fabrique 60 000 pièces par an et vise d’en produire 100 000 de plus l’an prochain.

 

Atelier Sarrasin

Saviez-vous que le sarrasin n’est pas une céréale mais une plante à fleurs ? « Et elle est magique : outre ses vertus nutritionnelles, elle pousse facilement et est bénéfique aux abeilles », note Nicolas Crabot, cofondateur d’Atelier Sarrasin à Montbard (21), qui fabrique farines, pavés végétaux, etc. Avec ses agriculteurs partenaires, la marque en a planté cette année 600 hectares et veut accélérer car 80 % du sarrasin consommé en France est importé.

Y-Brush

Grâce à ses 35 000 filaments en nylon et à des vibrations soniques, Y-Brush nettoie toutes les dents en dix secondes. « Les financiers trouvaient l’idée farfelue, mais ils nous ont aidés », raconte Benjamin Cohen, cofondateur. Las, aucun injecteur ne pouvait fabriquer la brosse. En 2017, avec son associé, il crée leur atelier de 10 m². Aujourd’hui, la marque compte un site de 1 500 m² à Lyon et devrait écouler près de 180 000 brosses cette année.

Innov8

Après le succès de ses coques pour téléphone transparentes, fabriquées dans l’Hexagone et écoresponsables à moins de 20 €, Innov8 lancera début 2023 le premier chargeur universel made in France. Mais ce n’est pas son seul atout : il est aussi conçu à partir de matières biosourcées, sans plastique, 100 % réparable et recyclable. Et toujours à un prix accessible, clé du succès de l’entreprise lyonnaise créée en 2012.

 

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